Mouvement Lycéen 70

 

LE MOUVEMENT LYCEEN DANS LES ANNEES 1970

 

 

Le début des années soixante dix a vu l'existence en Martinique d'un fort mouvement lycéen et dans une moindre mesure étudiant.

 

Si l'on devait choisir une date pour situer l'acte de naissance de ce mouvement, celle du 10 janvier 1969 devrait être retenue. A cette occasion, des milliers de lycéens allaient manifester à Fort de France contre l'enseignement colonial et pour une éducation centrée sur les réalités martiniquaises.

 

La caractéristique de ce mouvement naissant est en effet de ne pas se contenter de réclamer des moyens d'étudier, même si cet aspect est loin d'être absent, mais de se placer résolument dans le cadre social et politique martiniquais, à savoir celui d'une colonie. Ce mouvement porte ainsi une critique fondamentale sur l'inadaptation de l'enseignement professé à la jeunesse martiniquaise et la remise en cause de celui-ci.

 

Il est évident que cette orientation politique s'inscrivait pour beaucoup dans le cadre de la situation internationale où l'année précédente la plupart des campus du monde avait résonné des protestations de la jeunesse internationale contre la société capitaliste et ses divers corollaires dont en premier lieu l'agression américaine contre le peuple vietnamien.

 

Mais, il convient aussi de trouver dans la réalité martiniquaise l'apparition de ce fort mouvement qui mettra en émoi la Préfecture et ses valets. Ce n'est pas un hasard si à la tête de ce mouvement se situent pour l'essentiel des responsables des jeunesses communistes. Et ceci avec un double aspect. D'un coté, c'est pour l'UJCM (Union de la Jeunes Communistes Martiniquais) la possibilité de démontrer sa capacité de mobilisation hors des bastions communistes. D'un autre coté, c'est aussi un interpellation dans le parti au lendemain d'un IV Congrès du PCM qui a vu la mise en minorité des idées indépendantistes. Autre caractéristique, ce mouvement lycéen va occuper durablement la scène sociale jusqu'au milieu des années 70.

 

Et ceci avec des temps forts particulièrement importants.

 

Déjà, il va s'instaurer une tradition qu'à chaque passage annuel (à cette époque, le fait était plutôt rare) du Ministre français des DOM, le mouvement lycéen se mobilise par des grèves et des manifestations massives dans les rues de Fort de France. Le point d'orgue sera en mai 1971 lors du voyage du sinistre Messmer et à l'occasion duquel un lycéen, Gérard NOUVET, sera assassiné à l'angle des rues de la République et Lamartine par une grenade lancée par un garde-mobile français et qu'Alain BRAVO (dirigeant du mouvement lycéen) sera condamné par la justice française. Il y aura un autre prolongement judiciaire puisque le directeur de publication du journal lycéen, Christian COURBAIN, sera poursuivi pour diffamation contre l'armée française !

 

Un autre mouvement important sera celui mené lors de l'année d'ouverture du Lycée de Trinité qui non seulement était sans moyens réels mais en outre dirigé par un proviseur nommé Zeringuer aux proclamations racistes (« les martiniquais ne sont que des africains avec un vernis de culture française »).

 

Il faut aussi évoquer la grève la plus longue, de décembre 1973 à mars 1974, contre l'augmentation du prix de l'internat qui eut une finalité victorieuse.

 

Pendant toutes ces années, le mouvement lycéen a permis l'apparition de dizaines de militants que l'on retrouve aujourd'hui encore dans les mouvements politiques de gauche ou dans les mouvements sociaux. Ce fut un apprentissage fantastique mêlant la lutte de masse et le combat politique.

 

Sur cette période, la capacité de mobilisation du mouvement lycéen était telle que ses organisations étaient présentes dans le combat de solidarité avec le mouvement ouvrier, particulièrement en 1974 avec les ouvriers agricoles après la fusillade de CHALVET et l'assassinat d'Hilmany et Marie-Louise . Symboliquement, c'est le plus souvent dans les locaux de la Maisons des Syndicats que les réunions et principaux rassemblements avaient lieu.

 

Le mouvement lycéen a connu deux principales organisations le Mouvement du 10 janvier (MXI) et l'Union des Comités d'Action des Enseignés (UCAEM). Le passage du MXI à l'UCAEM s'est fait dans un contexte de crise et d'affrontements entre tendances politiques. Il ne fait pas de doute qu'au regard de la place qu'occupait sur la scène sociale le mouvement lycéen, il était impossible que les différents courants politiques de gauche et d'extrême gauche ne s'y retrouvent pas et ne tentent d'en prendre le contrôle. L'expérience démontre d'ailleurs que tant l'action unitaire a primé sur l'action partisane, les masses lycéennes ont pris toute leur place dans le combat social tant au niveau de l'éducation que celui plus général de la lutte de libération nationale du peuple martiniquais. En revanche, le déclin qu' a connu à compter du milieu des années 70 s'explique pour beaucoup par la disparition de cette unité d'action.

 

Aujourd'hui, il faut bien constater que du campus universitaire aux différents lycées, mis à part quelques luttes épisodiques sur des revendications matérielles, il n'existe plus d'organisations permanentes du mouvement lycéen. On dit que ceci s'explique par la dépolitisation de la jeunesse martiniquaise. S'il est vrai que les moyens de propagande développent avec succès le culte de l'individualisme, de l'égoïsme, du rejet de l'action collective au sein de la jeunesse, il faut aussi voir que les forces progressistes ont pour le moins déserté le terrain de la jeunesse.

 

Or, il n'existe pas dans l'histoire un mouvement social qui ait vaincu sans que la jeunesse y prenne, avec ses propres organisations et sa propre manière de faire, un rôle essentiel.

 

Nous devons donc impérativement mettre sur pied les moyens de faire face à ce défi.